ESCHATOLOGIE ET HISTOIRE DANS L'HAGIOGRAPHIE SUD-SLAVE

  • Boško I. Bojović
Keywords: Hagiographie, eschatologie, histoire, sud-slave, slavo-byzantine, Église, État, cultes des saints, cultes dynastiques

Abstract

L’hagiographie est un genre littéraire issu des biographies antiques et
hellénistiques. Le héros n’y est pas dépeint sur un modèle antique et épique, il acquiert une
dimension eschatologique. Si la finalité d’un héroïsme épique réside dans la perpétuation
de sa mémoire dans l’histoire humaine, celle d’un saint s’accomplit dans une objectivation
eschatologique. La mémoire du saint n’est pas un but en soi, elle est le reflet et la
conséquence de son accomplissement eschatologique, de sa vie éternelle dans la
communauté des saints dans le Christ, dans sa transcendance et non dans sa symbolique.
L’histoire n’est donc dans l’hagiographie qu’un support transitoire, obligé et décisif, mais
non essentiel. C’est pourquoi l’événementiel dans l’hagio-biographie est subsidiaire par
rapport au signifiant, le factuel par rapport à l’édifiant, le naturel au divin, le charnel au
spirituel.
Si l’hagiographie slavo-byzantine déroge un peu à ces modèles métahistoriques
pour s’inscrire dans un amalgame historico-eschatologique, c’est avant tout du fait de la
faible différenciation des genres historiographique et hagiographique dans la littérature
slavo-balkanique. Une littérature essentiellement ecclésiastique ou la dichotomie entre un
patrimoine profane hellénique et une culture exclusivement christianisée n’avait pas lieu
d’être. Une plus faible différenciation au niveau des structures sociales est à l’origine de
l’historicité plus importante dans l’hagiographie serbe en premier lieu. L’État étant plus
faible et l’Église relativement plus structurée, le rapport de forces entre ces deux
institutions étant plus équilibré, alors que la culture ecclésiastique était prépondérante,
l’hagiographie s’assimilait en partie à une littérature officielle.
Les cultes dynastiques, qu’ils soient ceux des princes et des rois, ou des
ecclésiastiques de la haute hiérarchie, ne pouvaient avoir d’autre effet que d’officialiser et
d’institutionnaliser l’hagiographie dans le giron de l’État et de l’Église. Le jumelage des
cultes et la codification de l’hagio-biographie des dynasties royales et des archevêques
avaient un effet obligatoirement historicisant. L’immédiateté des cultes dynastiques et leur
caractère officiel avaient pour conséquence un certain degré de sécularisation.
L’hagiographie ainsi conçue était aussi historique qu’eschatologique, factuelle que
sublimatoire, événementielle que didactique, politique que spirituelle, avec une touche
vétéro-testamentaire significative. L’intérêt de cette synthèse de l’historicité et de
l’hagiographie réside dans le fait qu’on peut y observer sur un modèle médiéval, ce qu’a
pu être dans l’Antiquité biblique la genèse d'une littérature à la fois sacrée et profane, une
sorte de synthèse vétéro- et néo-testamentaire.

References

/
Published
2019-10-08